28/10/2025


Ces enfants de Coise-Saint-Jean-Pied-Gauthier qui ont marqué leur temps : portraits et héritages

L’écrin du village, terre de destins singuliers

Entre le murmure du Gelon et l’ombre portée de la Savoyarde dans le ciel, Coise-Saint-Jean-Pied-Gauthier a longtemps semblé être un simple point sur la carte, discret mais habité d’un souffle tenace. Sur cette terre où la vigne côtoie courges et blés, certains ont grandi avec une soif d’ailleurs, d’autres ont prolongé l’horizon du village par leur propre lumière. Ce sont eux, ces femmes et ces hommes, dont l’histoire a franchi les ponts du Gelon pour résonner dans le monde. Volontairement, ce portrait ne dresse pas une simple galerie locale ; il éclaire des trajectoires qui, chacune à sa manière, rappellent que tout village porte en lui la promesse de l’inattendu.

Des figures enracinées, des passions rayonnantes

Joseph-Marie Mollard (1796-1879), pionnier du notariat savoyard et député de Savoie

Parmi les figures notoires du XIXe siècle, Joseph-Marie Mollard naît dans une Savoie encore sardienne, à Coise-Saint-Jean-Pied-Gauthier en 1796, et y exerce son métier de notaire. Il se distingue comme député de la Savoie à Chambéry, lors du rattachement à la France en 1860. Son énergie fut mise au service de la modernisation du droit savoyard. Selon les archives départementales, il fut l’un des artisans du concordat entre usages locaux et droit français, s’assurant que les spécificités de la ruralité savoienne soient respectées dans les nouvelles lois (Archives départementales de la Savoie, cote 5MI 3242).

  • Notaire : 42 ans de charge au village
  • Député : Membre du Conseil général (1860-1867)

C’est à lui que l’on doit la sauvegarde de plusieurs coutumes, dont la tradition du partage équitable des terres et vergers.

Sœur Marie-Benoîte, missionnaire discrète mais influente

Issue d’une famille modeste du hameau de la Biolée, Anna Favre (dite Marie-Benoîte, 1903-1989) entre très jeune chez les Sœurs de Saint-Joseph. Active à Madagascar, elle fonde trois écoles pendant l’entre-deux-guerres. Sans grand tapage, ses lettres à la paroisse de Coise font état d’un engagement concret : alphabétisation, soin des enfants victimes de fièvres, plantation d’un verger communautaire. À la fin de sa vie, elle parraine plusieurs étudiantes malgaches venues poursuivre leurs études à Chambéry (lettres conservées à la bibliothèque diocésaine de Chambéry).

  • Dates-clés : 1929 – départ à Tananarive ; 1932 – première école ouverte ; plus de 2000 enfants scolarisés sur 15 ans.
  • Retour au village : 1975, où elle resta jusqu’à sa mort à la maison de retraite du Prieuré.

D’un souffle local à une renommée nationale

Françoise Daviet, la voix féminine de la viticulture savoienne

Née à Coise en 1957, Françoise Daviet a hérité des coteaux familiaux. C’est elle qui, dès les années 1980, ose vinifier en bio, alors que la Savoie devance à peine la région bordelaise sur la question. Pionnière, elle s’est battue pour l’appellation “Vin de Savoie” (AOC en 1973) et défend une viticulture respectueuse du territoire. Au micro de France Bleu Pays de Savoie (2015), elle disait : “Mon vin a la couleur de mes collines, un peu de brume, mais beaucoup de soleil dans la bouche.” Son crémant a remporté une médaille d’argent au Concours Général Agricole en 2018.

  • Exploitante de 11 ha à Coise et Saint-Jean
  • Médaille d’argent Concours général agricole : 2018
  • Première femme présidente du Syndicat des Vignerons de la Savoie, 1999-2004

Pierre Blanc, du geste artisanal à l’art contemporain

Formé dans un atelier familial implanté au bord du Gelon, Pierre Blanc (né en 1978) s’est imposé sur la scène artistique contemporaine par ses sculptures monumentales en matériaux de récupération ferroviaire. Le Musée d’Art Moderne et Contemporain de Saint-Étienne lui a consacré une exposition en 2017 (source : catalogue MAMC+ Saint-Étienne). Au cœur de son œuvre : le souvenir des industries rurales, les gestes répétitifs des anciens de la vallée, et l’éloge du bricolage comme art du quotidien.

  • Expositions : Lyon, Grenoble, Saint-Étienne
  • Œuvre monumentale “Les Poutrelles” : installée au rond-point des Carrières, Albertville

Les voix moins connues, un village à la fibre associative

Régis Chambon, ténor local de la solidarité rurale

À Coise, les grands noms côtoient une myriade de figures plus modestes mais essentielles à la vie du village. Parmi elles, Régis Chambon, président de l’association “Solidarité Gelon”, cultive depuis quinze ans un modèle d’entraide inspirant, de la distribution de paniers solidaires à la coordination de chantiers participatifs pour les jeunes en recherche d’emploi (source : Le Dauphiné Libéré, 2022). Sa philosophie ? “Dans notre vallée, ceux qui partagent une brouette finissent souvent amis pour la vie.”

  • En chiffres : 230 familles accompagnées chaque année
  • Projets portés : réhabilitation de l’école rurale (2020), création d’une bourse locale de matériel pour apprentis (2022)

Son action a inspiré des communes voisines, donnant naissance à une fédération intercommunale d’entraide.

Quand Coise-Saint-Jean-Pied-Gauthier inspire au-delà de ses frontières

Le parcours atypique de Léa Deslandes, championne de ski-alpinisme

Native du village, Léa Deslandes (née en 1986) a grandi sur les crêtes du Massif des Bauges : formée au ski au sein de la petite section locale, elle bascule vers le ski-alpinisme à vingt ans. Double championne de France (2010 et 2011), elle s’est distinguée sur la Pierra Menta et a intégré l’équipe nationale (Fédération Française de la Montagne et de l’Escalade). Très attachée à ses racines, elle organise chaque automne une initiation pour les jeunes du canton.

  • Palmarès : 2 titres nationaux, 4 podiums internationaux sur la Pierra Menta
  • Initiatives locales : organisation d’un stage annuel au col de Marocaz

Sa devise ? “L’altitude du dépassement, c’est la vallée qui la donne.”

Petites anecdotes, grandes inspirations

Coise n’a peut-être ni académicien ni ministre dans son arbre généalogique récent, mais les graines semées dans la terre du village voyagent bien au-delà. Saviez-vous, par exemple :

  • Qu’un vigneron natif de Coise a été parmi les premiers à commercialiser la Mondeuse à Paris, dès les années 1920 (article de La Savoie, 15 mai 1925) ?
  • Que l’entreprise familiale Fabbro, fondée rue du Marquisat en 1912, a fourni des charpentes jusque dans les Alpes maritimes, participant aux chantiers de reconstruction du sud-est après la Seconde Guerre mondiale (source : Archives familiales Fabbro, témoignages oraux recueillis en 2006) ?
  • Qu’un livre d’Auguste Pralong, ancien instituteur du village et poète à ses heures, fut conseillé à la radio suisse romande en 1958 pour sa tendresse et sa justesse sur la ruralité savoyarde ? (“Paroles d’un village”, Ed. La Fontaine, 1957)

Des trajectoires à suivre et à raconter…

Le tissu de Coise-Saint-Jean-Pied-Gauthier est tressé d’histoires modestes, de parcours inattendus, de voies discrètes qui deviennent, à force, écho dans la vallée et bien plus loin. Chacune de ces figures, petites ou grandes, témoigne du fait que nos villages ont sans cesse ce pouvoir d’invitation : à dépasser les bornes pour faire connaître la force tranquille du local. Ce panorama invite à lever le nez, suivre la trace et transmettre à notre tour les histoires d’hier et d’aujourd’hui, en attendant de voir éclore celles de demain.

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